Repos du Félin...

Après avoir marché sans se presser jusqu’à la résidence, Lilianne chercha son nom sur les portes des chambres. Quand elle le trouva, elle entra sans plus de cérémonies et s’écroula sur le lit le plus proche, visiblement fatiguée, mais avec la grâce et la discrétion d’une panthère.

Elle resta là, quelques instants sans bouger, puis renifla l’air. Elle se releva brusquement sur son séant et son regard se planta dans celui de Neko.

« Oh non pas toi ! »

Elle porta la main à son front et se laissa retomber en arrière, atterrée.

« Qu’est ce que tu fiches ici ? »

Elle soupira.

« Non, laisse tomber, t’explique pas, dis rien. »

Elle se leva et fouilla dans les armoires : vides. Génial, elle qui n’avait que ses vêtements sur le dos, comment allait-elle faire ? Elle soupira une nouvelle fois. Aux grands mots les grands moyens. Elle ferma la porte de la chambre puis retira son jean qu’elle posa contre son lit. Elle déboutonna ensuite quelques boutons de son chemisier (sans l’ouvrir complètement hein) puis se glissa ainsi sous ses couvertures, sans prêter la moindre attention à Neko. Croisant les bras derrière sa tête, elle regardait fixement le plafond, pensive.

Elle avait réussi à effacer complètement son désagréable compagnon de chambre de ses pensées. La pensée que se déshabiller devant lui n’était pas très correct ne lui avait même pas traversé l’esprit. Après tout, vu les rapports qu’ils entretenaient, ce n’est pas ça qui allait changer quelque chose…

Lilianne releva vers le jeune homme des yeux étonnés. Elle s’adossa contre le rebord de son lit, croisant ses mains dessus et son menton sur ses dernières, de façon à être face à Neko.

« Tu m’as vue sous ma forme de panthère, nue donc, et maintenant que t’aperçois un bout de jambe tes hormones masculins prennent le dessus ? Alors dans ce cas j’ai de la chance que tu contrôles le tigre, sinon tu m’aurais probablement sauté dessus. »

Elle soupira et ajouta d’une voix froide :

« Hé oui, tu es un mec, un mec comme les autres, incapable de penser autrement que par ses… »

Elle ne termina pas sa phrase, mais elle était facilement devinable.

Sur un ton ironique, elle poursuivit :

« Tu as besoin qu’on te parle ? Aurais-tu peur du silence tigrounet ? »

Sa voix était à la fois mielleuse et moqueuse, pourtant, elle prit la peine de lui répondre :

« Oui, j’ai dormi, entre autres. »

Puis quand il lui fit remarquer qu’elle était une exilée, ses yeux redevinrent froids, alors qu’ils avaient précédemment semblés gagner un peu en chaleur…

« Un exilé, c’est quelqu’un qui a été obligé de partir. Moi, on m’a jeté ici de force. »

* Et sans billet de retour. *

Elle avait quitté la douceur des couvertures pour s’asseoir en tailleur, les mains et le menton toujours appuyé au-dessus des barreaux du lit.

« Et oui, de toute façon ça ne te regarde pas. Toi qui as tant besoin de parler, dis-moi comment tu es arrivé ici. Et ce que tu as fait pendant mon absence. »

Sur le même ton mielleux et moqueur, elle ajouta :

« Cette absence durant laquelle j’ai du terriblement te manquer, avoue-le. »

« Oui, je sais où est la Sibérie. »

Marmonna-t-elle.

* Et il me prend pour une idiote… *

C’était la seule remarque à laquelle elle était capable de répondre sans s’énerver. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux, des larmes de rage bien sûr. Mais pour qui se prenait-il ?

Finalement, la comparaison à une « bestiole » fut le mot de trop. Elle se leva brusquement et se jeta sur lui, le ruant de coups de poing dans le torse, à l’aveuglette, comme une gamine.

« Tu n’en as pas marre de tes remarques sarcastiques, de tes critiques, de ton arrogance ?! Moi j’en ai plus qu’assez ! Mais ignore-moi bon sang, fais comme si je n’existais pas, je ne m’en porterais que mieux ! »

Les larmes qui montaient malgré elle lui brouillaient la vue mais elle continuait de frapper tant qu’elle pouvait. Et il était hors de question pour elle de laisser couler ses larmes bien évidemment, elle espérait bien qu'elles se refoulaient d'elle-même sans avoir franchi le cap de ses yeux.

« Si ta seule préoccupation c’est de m’humilier, tu aurais du me laisser crever ! Après tout, qu’est ce que ça change que je sois là ou pas, hein ? Avoue que ça t’aurais plu de m’achever toi-même, vas-y, dis-le que ça aurait flatté ton sale petit ego ! »

Bon, en langage franc, on appelle ça un pétage de câble. Mais Lilianne n’en avait que trop supporté ses derniers temps. Entre la trahison de ses parents, les médocs qu’on lui avait injecté et ce prétentieux avec ses tentatives (réussies, certes) minables pour la mettre hors d’elle…

La jeune fille se sentait parfaitement ridicule, surtout que ses coups ne menaient à rien, ils lui servaient plus à se défouler qu’ils ne cherchaient à faire mal à Neko.

« Je ne retiens pas mes larmes ! Je n’ai rien à retenir du tout ! »

S’écria-t-elle sauvagement en regardant Neko… les yeux plein de larmes.

« Et même si j’le voulais, je ne pleurerai sûrement pas devant toi, tu prendrais probablement ça comme une victoire ! »

Qu’est ce qu’elle en savait ? Rien, absolument rien. Elle se cherchait des excuses. Par fierté.

Mais la deuxième partie de son discours eut de quoi l’étonner. Elle en fut même tellement étonnée qu’elle en oublia de le frapper. Pourtant, elle ne fit aucun commentaires sur les phrases qui l'avaient tant surprises.

« Qu’est ce que tu en savais au début ? Pourquoi tu ne m’as pas tuée tout de suite ? »

Elle qui ne parlait jamais à personne venait d’exploser son record en une journée. Elle avait sans doute plus parlé aujourd’hui que durant des mois les années précédentes.

« Si j’avais eu envie de te brûler, tu aurais la marque de mes poings gravée au fer rouge sur toi. »

Remarqua Lilianne. Toujours incapable de se montrer sympathique… néanmoins, sa phrase avait un double sens : bien qu’il l’entoure de ses bras, elle n’avait nullement l’intention de le faire rôtir.

Elle avait totalement cessé tout geste d’agressivité, se contentant de garder la tête baissé, les poings posés sur ses genoux tandis qu’elle faisait tous les efforts du monde pour refouler ses larmes qu’elle ne voulait pas exposer à Neko.

Lilianne se contenta de hausser les épaules. Les félins tuaient ceux qu’ils considéraient comme faibles… non ?

« Je n’ai pas besoin de dormir. »

Murmura-t-elle.

Rassurée, et ayant mis sa fierté de côté, elle laissa aller sa tête contre le torse de Neko. Les larmes sortirent alors naturellement, mais dans le silence le plus total, se contentant de glisser le long de ses joues.

« Je voulais te tuer au début, parce que tu m’avais vu dans un état… enfin, personne ne m’avait jamais vu comme ça et je tenais à conserver ma dignité. Mais en fait… »

Elle soupira.

« En fait tu es la seule personne qui m’ait jamais témoigné un rien de sympathie. »

Confia-t-elle, alors que les larmes coulaient toujours, silencieuses.

« Tu n’as rien à craindre de moi tu sais. Ma température a atteint un seuil humain normal. »

Avec une petite moue ironique, elle ajouta :

« Alors à moins que tu dises quelque chose qui ne me plaise pas, je te promets de ne pas augmenter ma température. »

Comme pour appuyer ses propos, elle posa sa main contre le torse de Neko.

« Tu vois, je ne brûle pas. »

Dit-elle à voix basse.

A ses paroles, Lilianne ne voulut pas le gêner alors elle retira (un peu trop brusquement peut-être) sa main de son torse.

Elle rit doucement.

« Tu crois peut-être que j’en ai l’habitude moi ? »

* Faut dire aussi que le seul qui a essayé est mort par la suite… *

Elle appréciait le fait que Neko resserre son étreinte progressivement. Son cousin avait été pris d’un élan de tendresse et c’était ce qui lui avait coûté la vie.

C’est alors qu’elle remarqua quelque chose : elle était contre lui, en culotte et le chemisier à moitié déboutonné. Comme si une mouche l’avait piqué, elle se leva d’un bond en poussant un cri.

Se précipitant vers son lit, elle remit son jean et referma son chemisier.

« Euh… désolée… mais c’était pas très… enfin… »

Gênée, elle alla prudemment s’asseoir tout au bout du lit du jeune homme.

« Va pas croire que c’était juste pour te… enfin… tu vois… »

Elle se cacha la tête entre les mains. Comment cela avait-il pu arriver sans qu’elle s’en rende compte ?

* Idiote, idiote, idiote ! *

Elle lui lança un regard noir.

« Il y a dix minutes j’étais loin de m’imaginer que tu allais me prendre dans tes bras ! »

Avec un sourire victorieux, elle dit :

« Un seul si tu veux savoir. Le seul à avoir osé avant toi. »

Ce sourire s’effaça aussitôt.

- Pas étonnant qu’on t’appelle la Bête…

A cette pensée, elle secoua la tête. Qu’est ce qu’elle cherchait au juste ? La solitude ? Ou voulait-elle au contraire la fuir ? Tout se mélangeait, elle ne savait plus quoi penser, comment agir.

Quand il lui proposa de dormir, elle regarda son lit, indécise. Elle avait peur de faire des cauchemars. Oui, mais hors de question de l’avouer. Docile, elle alla donc s’allonger sur son lit.

« Pas de coup tordu hein ? Si tu veux m’étrangler, attends au moins que je sois réveillée. »

Malgré le fait qu’elle ne pas pouvoir dormir, quelques minutes après avoir posé la tête sur l’oreiller, ses paupières se fermèrent.

Son sommeil fut tout d’abord paisible. Allongée de tout son long, ses longs cheveux noirs éparpillés autour d’elle, elle semblait ne rêver à rien de particulier.

Puis vint évidemment le cauchemar. Elle se revoyait dans sa chambre, réveillée brutalement en pleine nuit, maintenant avec force tandis qu’on lui injectait ces foutus médicaments…

Il était évident que ses songes n’avaient rien d’agréable : elle n’arrêtait pas de se retourner, comme si elle se débattait, qu’elle cherchait à se dégager d’une étreinte imposée.

Lilianne fut réveillée brutalement par un projectile en plein visage. Nullement énervée (rare…), plutôt perdue, la jeune fille se releva les cheveux légèrement en bataille.

« Dormir avec… mais… pourquoi ? »

Elle ne s’était pas rendue compte que ses cauchemars avaient eu un effet sur son corps endormi.

Mais de toute façon, elle était trop embrumée pour protester quoi que ce soit. Elle prit les deux oreillers et alla le rejoindre. Sans un mot, elle s’allongea, prenant moins de la moitié du lit. Après tout, elle était plus mince et c’était tout de même lui qui l’accueillait dans son lit pour qu’elle puisse mieux dormir, alors elle pouvait quand même lui laisser un maximum de place.

« Désolée de t’embêter… »

Murmura-t-elle.

Ses cheveux semblaient former un rideau autour d’elle, ne laissant voir que ses yeux.

« Je srais chiante jusqu’au bout, hein ? »

Dit-elle avec un sourire.

Dire que la seule personne qui se montrait sympathique était celle avec qui elle se montrait le plus hargneuse et pour qui elle représentait un poids.

Lilianne ne dit rien quand il passa son bras de ses épaules, mais elle souriait. Chose exceptionnelle, voire carrément miraculeuse.

Quand il s’embrouilla, elle posa son index sur sa bouche pour lui dire de se taire.

« Qu’est ce qui se passe ? Ca ne te ressemble pas. »

* Où est passé le grand tigre prétentieux ? *

Elle était à la fois amusée et intriguée de le voir agir de cette façon. Le grand tigre qui se retrouvait à bredouiller devant elle.

« Et toi, tu comptes dormir en jean ? »

Remarqua-t-elle avec un sourire ironique.

Dormir en petite tenue dans son lit, c’était une chose. Dormir en petite tenue dans le lit d’un tigre… euh ben s’en était une autre^^.

« T’inquiète pas pour moi, les problèmes de température, ça me connaît. Et puis, à moins que tu m’écrase, il n’y aucune raison pour que je ne parvienne pas à dormir. »

Ses cheveux la gênant pour observer Neko, elle les fit tous passer dans son dos.

« A moins que se soit une excuse minable pour que je me déshabille mh ? »

C’était une éventualité totalement fausse, elle le savait, et l’énoncer le mettrait probablement davantage dans l’embarras…

« Je n’ai jamais dis que tu étais pathétique… »

S’exclama Lilianne.

* Non… il est… attendrissant… *

Hors de question qu’elle le dise bien sûr. Soit il aurait prit ça pour des avances, soit l’ego du tigre aurait envoyé balader son compliment.

« Oh mais bien sûr, ça se voit, non ? Je n’ai qu’une hâte, c’est que tu finisses en caleçon. Peut-être même qu’après je te sauterai dessus, qui sait. »

Son ton était moqueur.

« Si tel était mon but, je l’aurai déjà atteint. »

Elle posa sa main sur le jean de Neko.

« D’autant plus que je n’aurai qu’à réduire ce qui me séparerait de ce but en cendres. D’une facilité déconcertante. »

Il put nettement sentir que la main de Lilianne chauffait, pas assez pour le brûler bien sûr, ni même pour réduire son jean en cendres, juste pour lui faire comprendre que si elle le voulait, elle le pouvait…

Puis, la jeune fille se rapprocha un peu de lui, juste de façon à ce qu’ils se frôlent.

« Si jamais tu as trop chaud, dis-le moi et je te refroidirais. »

Murmura-t-elle, radoucie. Se rendant compte de ce qu’elle venait de dire, elle rajouta brusquement :

« Pas de sous-entendu pervers hein ! C’est juste que mon pouvoir marche dans les deux sens… »

La phrase de Neko la surprit au plus au point. En vérité, elle ne s’y était pas du tout attendu. Et la situation l’amusa. Pire, elle décida d’en jouer. Qui a dit sadique ?

« Oui, et je le pense toujours. Tu n’es qu’un mec. Et si je fais ça… »

Elle déplaça sa main de quelques centimètres vers l’entrejambe du lycan.

« Ca fait quoi ? »

Demanda-t-elle innocemment.

« Et qu’est ce que ça donne, si on pousse ton endurance à bout ? »

Demanda-t-elle tout aussi innocemment.

Euh, à quoi elle jouait au juste là ? Elle voulait faire la miss assurée, alors qu’elle en savait autant que Neko ? Oui mais là, ce n’était plus son sale caractère solitaire d’humaine qui agissait, mais le celui séducteur et joueur de la panthère.

Aucune inquiétude ne traversait l’esprit de la jeune fille, totalement apaisée par le calme de la panthère qui semblait lui montrer que tout était simple avec les hommes…

La Lilianne humaine n’avait rien d’une séductrice, bien au contraire, puisqu’elle repoussait tout contact. Mais la Lilianne panthère en revanche… elle qui refoulait ses instincts depuis si longtemps, les voilà qui ressurgissaient, ne demandant qu’à tout envahir…

Elle s’était légèrement relevée, appuyant sa tête sur sa main libre afin d’observer à loisir les réactions du pauvre « mâle ».

« Ah ouais ? Pas une bonne idée tu dis ? »

Elle avança de nouveau sa main, prenant soin d’effectuer des caresses poussées (zentille la dadame). Elle se mordit la lèvre, plus qu’amusée par la situation.

« Et qu’est ce que tu n’aimes pas exactement ? »

Susurra-t-elle d’une voix mielleuse.

Sa timidité ? Son esprit solitaire ? Son dégoût des hommes ? Envolé tout ça, l’humaine avait laissé place à la panthère et lui laissait le contrôle avec un plaisir évident… et la panthère ne se retenait pas. Trop longtemps que ses pulsions étaient retenues, contrôlées, elle avait décidé de se lâcher, maintenant, ici, tout de suite.

« Si tu t’en fiche tant que ça, alors pourquoi tu réagis comme ça ? C’est vraiment très mignon de t’inquiéter pour moi tu sais, mais si je décide que tu ne m’approcheras pas, je peux t’assurer que tu seras incapable de le faire. »

Soudain, la jeune fille se tourna et se mit à cheval sur Neko. Approchant son visage vers le sien, elle demanda :

« Alors ? Qu’est ce que tu comptes faire maintenant ? »

Aucune alerte dans son esprit, lui indiquant qu’elle devait arrêter avant qu’il ne soit trop tard… mais trop tard pour quoi au juste ? Non, l’esprit de la panthère n’avait pas peur de ce genre et n’éprouvait aucun regret.